
Psychomotricité et enfants :
Se dire à son rythme.
Une salle de gymnastique quelque part dans la ville de Liège.
Samedi, 9 h.15’ du matin. Les uns à la suite des autres, des
bambins âgés d’un an à deux ans et demi débarquent, accompagnés
de papa et maman. La séance des tout-petits va bientôt
commencer. Puis ce sera le tour de leurs aînés divisés en deux
groupes (deux ans et demi - quatre ans et quatre ans – six ans).
La salle a été installée préalablement par les
psychomotricien(ne)s. Des volumes en mousse sont empilés d’un
côté ; une grosse caisse en bois ayant une face en forme
d’escalier surplombe un gros matelas de réception ; un « endroit
cocooning » fait de tapis est limité par une enceinte de blocs
de mousse ; au pied des espaliers sont placés des tapis ; et
puis il y a des balles, des ballons, des tissus de toutes les
couleurs et de toutes les longueurs, des cordes, des peluches,
deux tableaux noirs … dans la salle ainsi construite, les
enfants vont pouvoir « se dire par leur expressivité
psychomotrice ».
Pas de parcours imposé ; les enfants peuvent circuler dans la
salle comme ils l’entendent et sous le regard de l’adulte qui
réagit en fonction des besoins de l’enfant. Idée sous-jacente à
cette liberté : chaque bambin a son parcours de vie, qu’il peut
poursuivre ici. Tout est possible ; ils doivent pourtant
respecter une règle : « il faut faire attention à soi et aux
autres »
Ces séances de psychomotricité se basent sur les travaux d’un
Français : Bernard Aucouturier. Leurs buts : contribuer au
développement harmonieux de l’enfant, l’amener à une ouverture
aux autres et à une maturation suffisante afin de passer du
plaisir d’agir au plaisir de penser et de s’ouvrir ainsi aux
apprentissages scolaires vers l’âge de six ans.
Théoriquement, les séances se déroulent en plusieurs phases,
renvoyant au développement de l’enfant tel que le décrit le
psychologue Piaget.
Si les différentes phases ne se distinguent pas trop chez les
tout-petits, il en est tout autrement chez leurs aînés.
Première phase du développement de l’enfant, qui correspond
principalement au début de chaque séance, et peut se poursuivre
bien au-delà pour certains : le plaisir sensori-moteur. Vivre
intensément et de manière répétée le plaisir procuré par le
saut, la chute, la course, le balancement, les jeux de perte
d’équilibre, de cache-cache, etc. Pour B. Aucouturier, le
plaisir sensori-moteur est la base de la personnalité de
l’enfant, car il crée l’union entre des sensations vécues, des
états toniques et émotionnels et les mots.
Etape suivante : par la mobilisation du corps et des affects,
l’imaginaire s’éveille, des jeux plus symboliques apparaissent.
L’enfant qui saute se sent devenir Zorro ; celui qui empilait
des cubes y voit le plus beau des châteaux, celui qui escaladait
un empilement se sent ours, etc. les jeux s’organisent à
plusieurs autour d’un grand méchant loup qu’il faut capturer.
Les enfants utilisent des morceaux de tissu pour se déguiser. Le
langage prend une place plus importante.Il est le lien entre le
plaisir corporel, l’émotion et l’ouverture aux autres.
Dernière étape : pouvoir parler de ce qu’on a vécu sans plus le
vivre : la décentration ou encore le passage du plaisir de
bouger au plaisir de penser. Les enfants s’adonnent à une
activité où leur corps n’est plus en mouvement ; Les plus petits
fredonnent une chanson. Les plus grands dessinent, imaginent une
construction avec des blocs de bois et/ou inventent une
histoire. Ces créations sont largement inspirées des jeux, des
sensations et des émotions vécus en séance.
D’une manière générale, ces séances de psychomotricité
s’inscrivent dans une démarche d’épanouissement global.
Chez les tout-petits, elles constituent une excellente
préparation à une séparation sans problème avec maman, un
intermédiaire heureux entre le foyer et la crèche, entre le
foyer et l’école.
Pour les plus grands, elles vont permettre à chacun de vivre des
moments émotionnels intenses et puis de mettre petit à petit ses
émotions à distance de façon à pouvoir se centrer sur les
apprentissages.
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